Sentivo di non avere talento

E questi sogni mi facevano pensare che, dal momento che volevo un giorno diventare uno scrittore, era tempo di sapere quel che meditassi di scrivere. Ma appena me lo chiedevo, tentando di rintracciare un argomento nel quale poter racchiudere un immenso significato filosofico, la mia intelligenza smetteva di funzionare, non vedevo più che il vuoto di fronte alla mia attenzione, sentivo di non avere talento o che, forse, una malattia cerebrale gli impediva di nascere […]; forse quell’assenza di talento, quel buco nero che si spalancava nella mia testa quando ricercavo l’argomento dei miei scritti futuri, era a sua volta una semplice illusione senza consistenza, e sarebbe svanita grazie all’intervento di mio padre, che sicuramente aveva convenuto con il Governo e con la Provvidenza che io sarei stato il più importante scrittore del mio tempo. Ma altre volte, mentre i miei parenti si spazientivano vedendo che restavo indietro e non li seguivo, la mia vita effettiva, anziché sembrarmi una creazione artificiale di mio padre, che avrebbe potuto modificarla a suo piacimento, mi appariva, al contrario, come parte di una realtà che non era fatta per me, contro la quale non c’era possibilità di ricorso, in seno alla quale non avevo alleati, e dietro alla quale non si nascondeva niente. Mi sembrava, in quei momenti, di esistere nello stesso modo degli altri uomini, che sarei invecchiato, che sarei morto come loro, e che in mezzo al mucchio sarei stato semplicemente uno dei tanti che non hanno attitudine allo scrivere. E così, sfiduciato, rinunciavo per sempre alla letteratura, a dispetto degli incoraggiamenti che mi erano venuti da Bloch. Quella sensazione intima, immediata, del nulla del mio pensiero, prevaleva su tutte le parole lusinghiere che potevano essermi elargite, come i rimorsi di coscienza in un malvagio di cui tutti esaltano le buone azioni.

Marcel Proust, Alla ricerca del tempo perduto, Dalla parte di Swann

Parte prima: Combray

pp. 210-211

traduzione di Giovanni Raboni

E ora, mio nobilissimo amico, perdona questa stravaganza:

Qui lo script

Et ces rêves m’avertissaient que puisque je voulais un jour être un écrivain, il était temps de savoir ce que je comptais écrire. Mais dès que je me le demandais, tâchant de trouver un sujet où je pusse faire tenir une signification philosophique infinie, mon esprit s’arrêtait de fonctionner, je ne voyais plus que le vide en face de mon attention, je sentais que je n’avais pas de génie ou peut-être une maladie cérébrale l’empêchait de naître. Parfois je comptais sur mon père pour arranger cela. Il était si puissant, si en faveur auprès des gens en place qu’il arrivait à nous faire transgresser les lois que Françoise m’avait appris à considérer comme plus inéluctables que celles de la vie et de la mort, à faire retarder d’un an pour notre maison, seule de tout le quartier, les travaux de « ravalement », à obtenir du ministre pour le fils de Mme Sazerat qui voulait aller aux eaux, l’autorisation qu’il passât le baccalauréat deux mois d’avance, dans la série des candidats dont le nom commençait par un A au lieu d’attendre le tour des S. Si j’étais tombé gravement malade, si j’avais été capturé par des brigands, persuadé que mon père avait trop d’intelligences avec les puissances suprêmes, de trop irrésistibles lettres de recommandation auprès du Bon Dieu, pour que ma maladie ou ma captivité pussent être autre chose que de vains simulacres sans danger pour moi, j’aurais attendu avec calme l’heure inévitable du retour à la bonne réalité, l’heure de la délivrance ou de la guérison ; peut-être cette absence de génie, ce trou noir qui se creusait dans mon esprit quand je cherchais le sujet de mes écrits futurs, n’était-il aussi qu’une illusion sans consistance, et cesserait-elle par l’intervention de mon père qui avait dû convenir avec le Gouvernement et avec la Providence que je serais le premier écrivain de l’époque. Mais d’autres fois tandis que mes parents s’impatientaient de me voir rester en arrière et ne pas les suivre, ma vie actuelle au lieu de me sembler une création artificielle de mon père et qu’il pouvait modifier à son gré, m’apparaissait au contraire comme comprise dans une réalité qui n’était pas faite pour moi, contre laquelle il n’y avait pas de recours, au coeur de laquelle je n’avais pas d’allié, qui ne cachait rien au-delà d’elle-même. Il me semblait alors que j’existais de la même façon que les autres hommes, que je vieillirais, que je mourrais comme eux, et que parmi eux j’étais seulement du nombre de ceux qui n’ont pas de dispositions pour écrire. Aussi, découragé, je renonçais à jamais à la littérature, malgré les encouragements que m’avait donnés Bloch. Ce sentiment intime, immédiat, que j’avais du néant de ma pensée, prévalait contre toutes les paroles flatteuses qu’on pouvait me prodiguer, comme chez un méchant dont chacun vante les bonnes actions, les remords de sa conscience.

Marcel Proust, À la Recherche du temps perdu, Du Côté de Chez Swann, Première partie: Combray