Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu

 

“Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d’autres plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé ; les formes — et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot — s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir”.

Marcel Proust, A la recherche du temps perdu

photo: aujourd’hui, la maison de Proust, devenue musée, a été aménagée au plus proche de l’oeuvre.

Et tout d’un coup le souvenir m’est apparuultima modifica: 2019-05-28T17:40:43+02:00da ellen_blue

3 pensieri riguardo “Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu”

  1. “Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.”

    Mi ha fatto tornare in mente la discussione su Buzzati e di striscio su Kafka. E devo dire che Marcel, come voleva Kafka, usa bene l’ascia con cui spaccare. Riesce a disegnare il dolore con la delicatezza che gli compete senza farne un monumento al rimorso.

  2. Osservazione acuta, tuttavia “disegnare il dolore” non significa necessariamente ” farne un monumento al rimorso”; tutto dipende da come chi soffre si rapporta a un determinato avvenimento. Se ha il cuore in pace, il dolore avrà una componente meno aspra, diversamente diventerà un tormento senza requie.

  3. L’avevo pure dimenticato questo post. Ho dato inizio a questo blog, pensando di poter vivere di rendita, ma in rete si trovano solo le pagine più battute dalla critica e dai lettori, e invece io volevo “la mia Recherche”. 🙂

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